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À partir des années 1880, la mise en œuvre de l’école laïque et obligatoire accélère le processus de sécularisation de la société. Pour relever le défi, l’Eglise doit explorer de nouvelles voies et adopter auprès des plus jeunes un autre langage.

La politique évangélique menée par Léon XIII en direction de l’enfance jointe au succès croissant de la pédagogie par l’image, promue par l’école républicaine, explique l’apparition en 1887 d’un nouveau genre chez l’éditeur : l’album. Le premier à voir le jour est un album catéchétique : L’Alphabet de l’enfant Jésus (1887). Entre 1887 et 1951, l’ouvrage connaît 8 rééditions (et de multiples réimpressions).

Quatre d’entre elles opèrent des transformations significatives qui témoignent de l’effort entrepris par la maison Mame pour repenser le message évangélique en fonction de l’enfant auquel il s’adresse et des attentes qui sont les siennes. C’est à ce parcours que nous vous invitons.


1914

Quand l'album se met au service du discours religieux : L'Alphabet de l'enfant Jésus à travers ses rééditions (1887-1951)

L'édition de 1914

En 1914, la maison Mame choisit de rafraîchir l’ouvrage en adoptant une nouvelle illustration de couverture, en couleurs, et en modifiant de façon significative l’alphabet moralisé. Tous les mots sont conservés mais les citations plutôt obscures de l’édition originale ont été abandonnées pour de nouvelles formulations.


Des définitions repensées

Le mot « Espérance » était ainsi défini dans l’édition originale: « Ne craignez rien petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous préparer le royaume ». Comment l’enfant pouvait-il identifier l’énonciateur et le destinataire de cette phrase? Quel était donc ce « petit troupeau » pas même représenté dans l’image ? Comment l’enfant pouvait-il saisir que ce « votre Père » ne renvoyait pas au père biologique mais au père spirituel ?... Et en quoi cette phrase expliquait-elle l’espérance ?

Seul l’adulte disposant d’une culture religieuse pouvait rattacher ces citations bibliques à leur contexte d’énonciation et leur assigner un sens allégorique. Pour l’enfant, lecteur débutant, celles-ci restaient incompréhensibles. Certes, l’éditeur sollicitait le secours des « pieuses mères », mais l’explication sans exemple illustré n’était pas évidente, et l’intérêt de l’enfant probablement vite lassé.

  • alphabet
  • alphabet
 
Alphabet de l’enfant Jésus. Dessins de M. Carot, gravés par M. Meaulle. Tours, Alfred Mame et fils, 1914
 

 

Que l’on s’attache au texte de la nouvelle édition et l’on saisit l’effort accompli en direction de l’enfant : « L’espérance chrétienne nous donne une ferme confiance que nous irons un jour au ciel, avec le secours de Dieu. » L’espérance est ici clairement l’objet de la définition et elle est doublement définie. D’une part en sa qualité de « chrétienne », d’autre part comme une ferme confiance en un voyage prochain au ciel. C’est une idée concrète que l’enfant peut comprendre et retenir. En outre cette direction assignée à l’avenir donne sens au geste de l’enfant Jésus qui devient tout naturellement l’énonciateur du propos.

Les autres éléments de l’ouvrage restent inchangés. On note cependant une baisse de qualité dans la finition. L’abécédaire est à présent broché. Les bois des « tableaux » sont photogravés et le rehaut jaune pâle des lettres ornées a disparu.


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