Quand l'album se met au service du discours religieux : L'Alphabet de l'enfant Jésus à travers ses rééditions (1887-1951)
L'édition de 1887
La thématique choisie par l’Alphabet de l’enfant Jésus témoigne d’un nouveau regard porté sur l’enfant. Jusque-là, les livres illustrés catéchétiques qui lui étaient destinés ne le mettaient pas en scène. Comme le rappelle Isabelle Saint-Martin, spécialiste de l’imagerie religieuse, « L’enfance, dans une perception héritée encore de Saint Augustin, est un monde à fuir et l’on s’adresse au fidèle comme un adulte en devenir ».
Ce n’est qu’à partir du Second Empire que se développe dans l’imagerie (bons points, cartes) la figure de « l’enfant Jésus », comme figure de l’enfance exemplaire.
L’Alphabet de l’enfant Jésus évite cependant le goût contestable de l’imagerie populaire. Pas de petit Jésus portant sa croix, pas de recours excessif à la couleur. Les dessins sont d’une sobre élégance. Le jaune pâle qui les rehausse capte la lumière et retient le regard. Le texte est imprimé en rouge et noir, couleurs traditionnelles du livre religieux. Un filet rouge sert de cadre à la page et confère à l’ensemble un équilibre classique.
L’alphabet illustré met en avant les vertus portées par le Nouveau Testament : Amour, Bonté, Charité, Douceur, Générosité, Humilité, Innocence, etc., vertus qui dessinent le portrait idéalisé de l’enfance. Le texte qui accompagne chaque mot est extrait des Saintes Ecritures, car il s’agit, selon la préface, de lire « cette sainte parole avec respect et amour ; vos pieuses mères vous aideront à la comprendre. ».
La mère, médiatrice traditionnelle de la parole sainte, est ici relayée par l’image, messager enfantin du texte sacré. En outre, l’histoire de la Sainte Famille, découpée en « tableaux » en vis-à-vis de l’alphabet, offre à l’enfant un univers à la fois mystérieux et familier dans lequel son imagination est invitée à se projeter.
En 1893, l’éditeur Mame ajoute un semblant de méthode de lecture à cet album, peut-être à la demande des premiers parents acquéreurs, qui souhaitaient associer catéchisme et apprentissage de la lecture.