Concevoir et promouvoir des albums dans l'entre-deux-guerres

Ce synopsis des collections (nommées « séries » dans les catalogues) permet de saisir comment la maison Mame a tenté de trouver sa place sur le marché de l’album. L’axe stratégique glisse progressivement de la littérature de jeunesse à la littérature enfantine et des collections luxueuses des séries A et D aux collections intermédiaires. Ces dernières, moins soumises au prosélytisme idéologique où le texte domine, s’ouvrent plus volontiers au jeu et aux joies enfantines. L’illustration y gagne en importance et en liberté. A partir de 1933, et de manière plus marquée après 1935 (année où la crise frappe le monde de l’édition), c’est au tour des collections bon marché de connaître un essor remarquable. Sur ce terrain, l’entreprise témoigne brutalement d’une forte réactivité, sensible aux ajustements conceptuels, pédagogiques et graphiques, qu’imposent les modèles promus par les éditeurs concurrents. On peut toutefois regretter que, soucieuse d’offrir des albums au meilleur prix, elle ait parfois sacrifié à la facilité son ambition artistique.

En fait, il semble que l’éditeur ait été pris entre des exigences contradictoires. L’ambition réelle d’entrer dans la modernité, au sein d’un marché concurrentiel de plus en plus laïcisé, s’est trouvée limitée par une identité catholique séculaire, construite sur des valeurs conservatrices. À observer la construction des collections, on ne peut qu’être frappé par le mélange des styles et des genres qui s’y côtoient. Cette « mosaïque » témoigne des hésitations et des tâtonnements de la maison, à la recherche d’un équilibre idéologiquement difficile et économiquement menacé.

Remarques : Les caractéristiques matérielles varient avant 1933. Elles sont harmonisées à cette date. Les tirages bibliophiliques sans mention de date sont extraits du catalogue Etrennes 1934.