Le parcours d'Albert Uriet : sous le signe de la culture populaire

Pour en savoir plus sur les démarches et les responsabilités d'Albert Uriet, voici des extraits de lettres d’Albert Uriet à Henri Pourrat, Centre Pourrat (Clermont-Ferrand)

Dessin enluminé d'Albert Uriet, tiré de sa correspondance avec Edmond Pilon. Fonds Périn. Université Paul Verlaine, Metz.

20 janvier 1932

Mon cher ami, c’est dans la prochaine semaine de février que se décide ce que la maison imprimera pour la prochaine campagne. […] Dans mon rapport, j’ai transcrit votre proposition en marquant tout ce que je pense de bien sur votre œuvre. Je ferai tout mon possible."

26 janvier 1932

Mon cher ami, l’idée chemine. Je me livre à toute une série de travaux d’approche, et je gagne peu à peu à notre cause les membres du conseil. J’ai vu les voyageurs dont l’avis est de première importance. J’ai fait de mon mieux pour leur expliquer notre projet. Ils marchent et l’inscrivent sur leur rapport. Le directeur du commerce extérieur est avec nous. J’ai écrit également au comité d’Angers (1) dont l’avis a aussi un grand poids […]. Seulement, je vous en prie, résumez-moi dans une page comment vous concevez l’affaire. J’ai cru bien dire en nommant votre livre Liturgie pittoresque. Mettez dans votre proposition un peu de sel, de ce charme qu’on trouve à chacune de vos pages. La chose, je l’espère, ira son train. Mais faites vite, et ne craignez pas de donner des détails. Souvenez vous encore qu’il faut appuyer sur le côté religieux."

(1) Comité de lecture d’Angers : société d’aristocrates finançant les écoles libres. Créé en 1911 afin de contrôler les livres de prix offerts dans les écoles, le comité se donne pour but de : « contribuer à imprégner l’esprit de l’enfant des idées religieuses, morales, patriotiques, dont l’enseignement est la seule raison d’être de nos écoles et collèges catholiques. D’où l’exclusion de tout volume contraire à ces idées – d’où l’exclusion encore, des livres qui même animés d’excellentes intentions, ne savent qu’ennuyer les lecteurs.» Son droit de regard sur les publications nouvelles, son rôle de conseil auprès du comité éditorial de l’entreprise, son influence auprès de l’archevêché, font de ce comité un acteur incontournable durant tout l’entre-deux-guerres. Ses membres superviseront les textes de trois grands albums religieux publiés chez Mame: Catéchisme illustré (1931), Récits évangéliques illustrés (1933) et Petite Histoire de l’Eglise illustrée (1934).

6 février 1932

Cher ami, votre projet a été accepté en principe. Il vous reste à écrire officiellement à Mr Hoppenot, administrateur délégué, pour lui parler du plan du livre que vous lui avez fait soumettre par mes soins […]."

21 mars 1932

Mon cher ami, votre projet est sérieusement à l’étude. Je viens d’avoir une conversation avec M. Hoppenot à la suite de votre lettre. M. Hoppenot vous prie de bien vouloir lui indiquer deux livres parmi votre œuvre pour qu’il puisse les faire lire au comité de lecture de la maison Mame. Il voudrait avoir une opinion très arrêtée. Ne vous étonnez pas. C’est toujours ainsi. Soyez donc assez bon pour lui écrire un mot. Je vais lui remettre moi-même les trois Almanachs des champs.

8 août 1934

J’ai parlé à Mr. Hoppenot de votre projet de Gaspard des montagnes. En principe, la chose l’intéresse beaucoup, au point qu’il m’a demandé de n’en rien dire chez Delagrave, où je voulais le présenter en cas d’échec chez Mame. Mais c’est la période des vacances, et il faut attendre au moins octobre avant de pouvoir tenter quelque chose de sérieux.

31 décembre 1934

Je voudrais que le Gaspard se décide, ou une flore ou un bestiaire. Nous allons voir. […]

28 avril 1935

On a beaucoup parlé de vous ce matin, et c’est M. Hoppenot qui a commencé. Vous avez paraît-il publié des choses très bien dans les Etudes. Cette fois, tout le monde est décidé à vous demander quelque chose – mais dans la note enfantine – songez-y dès maintenant. […]

30 mai 1935

La réunion de mai s’est terminée hier. Alfred Mame va vous écrire je crois que l’idée de l’almanach a fait son chemin. En tout cas la majorité l’a trouvée fort intéressante et je pense qu’on va vous prier de la mettre sur pied. Pour Mitton (1), cela n’a pas mal marché ; je n’ose encore lui écrire que son album est accepté, pourtant j’ai l’impression que ça y est, cette fois ! Quel mal pour remuer ces gens, vous n’imaginez pas ! on se heurte à une indifférence décourageant : il faut revenir, prêcher, convaincre – ne pas trop insister souvent – car la manie de contradiction sévit, que c’en est un véritable poison. Heureusement Alfred Mame a bien compris tout ce qu’il y a à faire avec vous. Ce voyage a été une vraie réussite (2). […]

(1) Adrien Mitton, architecte ami de la famille Pourrat, avait soumis en 1934 à Albert Uriet un projet d'album. Après remaniements, il fut publié en 1936 sous le titre Le Poisson d'avril.

(2) Albert Uriet et Alfred Mame s'étaient rendus à Ambert, chez Henri Pourrat du 25 au 28 mai pour discuter de projets de publication. Le 29 mai devait se tenir à Tours une importante réunion.

---

12 mai 1936

J’ai su avec soulagement que les épreuves du Château de Flamboisy étaient enfin arrivées. Nous les attendions avec une grande impatience pour commencer notre mise en pages. Mon illustration est terminée depuis longtemps. J’espère qu’elle vous plaira un peu. En tout cas je me suis bien amusé avec vos personnages et toutes les vieilles « rubriques ». Je suis en train de rechercher tous les vieux procédés pour les papiers de garde. En voici un petit échantillon sur Auvergne.

---

19 mai 1936

Cher Pourrat, vous manquez de confiance. Les épreuves qu’on vous a envoyées ne sont pas en pages, mais en placards, c'est-à-dire qu’elles sont tirées sur le plomb justifié tel qu’il sort des mains du compositeur. Après quoi, il sera disposé par des spécialistes dits metteurs en pages, et sous ma direction. Ne vous en faites pas. Pour les guillemets en place des tirets, on vous répondra que c’est la « marche » typographique de la maison, mais je vais essayer de les faire remplacer. J’ai des épreuves depuis longtemps. […] Je me suis inspiré des paysages auvergnats ; mais c’est bien plutôt le Pays des contes, que je connais un peu. Je vais commencer l’illustration du « pour tous » […].

---

23 octobre 1936

Je suis content que les illustrations ne vous déçoivent pas trop. J’aurais pourtant aimé un meilleur tirage. La faute en est au temps humide de cet été. Le papier humecté s’est retiré sous les presses. Nous avons tout tenté pour éviter cet inconvénient. Il n’y avait malheureusement rien à faire. Peut-être verrons nous bientôt les premiers comptes rendus. […]

Dessin enluminé d'Albert Uriet, tiré de sa correspondance avec Edmond Pilon. Fonds Périn. Université Paul Verlaine, Metz.

 

 

---