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À partir des années 1880, la mise en œuvre de l’école laïque et obligatoire accélère le processus de sécularisation de la société. Pour relever le défi, l’Eglise doit explorer de nouvelles voies et adopter auprès des plus jeunes un autre langage.

La politique évangélique menée par Léon XIII en direction de l’enfance jointe au succès croissant de la pédagogie par l’image, promue par l’école républicaine, explique l’apparition en 1887 d’un nouveau genre chez l’éditeur : l’album. Le premier à voir le jour est un album catéchétique : L’Alphabet de l’enfant Jésus (1887). Entre 1887 et 1951, l’ouvrage connaît 8 rééditions (et de multiples réimpressions).

Quatre d’entre elles opèrent des transformations significatives qui témoignent de l’effort entrepris par la maison Mame pour repenser le message évangélique en fonction de l’enfant auquel il s’adresse et des attentes qui sont les siennes. C’est à ce parcours que nous vous invitons.


1936

Quand l'album se met au service du discours religieux : L'Alphabet de l'enfant Jésus à travers ses rééditions (1887-1951)

L'édition de 1936

Conscient de l’effort à fournir, l’éditeur poursuit la réflexion engagée pour adapter le discours religieux aux nouvelles attentes sociales. En 1936, l’album est très largement remanié.


Organisation générale

Seule la structure est conservée, alternant un alphabet illustré et le récit de l’enfance du Christ, le tout précédé d’un alphabet synoptique et d’une table syllabique. L’exercice de lecture syllabique sur des mots empruntés au vocabulaire religieux disparaît. L’éditeur ne cherche plus à séduire les parents mais se concentre sur le tout-petit qu’il s’agit de toucher le plus efficacement possible. Les changements se manifestent tant d’un point de vue textuel que graphique.

  • Lettres
  • Adorations des mages
 
Alphabet de l’enfant Jésus. Dessins de Boursier-Mougenot. Tours, Maison Mame et fils, 1943 [1936]

 


Les remaniements du texte

L’alphabet illustré

Dix-neuf mots de l’alphabet illustré ont été remplacés, afin de fournir un vocabulaire plus concret à l’enfant : « Roi » succède à « Royaume » et « Visage » à « Vocation ». Les mots évoquent un environnement proche (Papa, Maman, Famille) ou font appel au vécu de l’enfant (Ecole, Travail, Noël, Crèche, Histoire, Jalousie). Les vertus abstraites conservées sont « matérialisées »: elles s’inscrivent dans un univers référentiel simple, dont le vocabulaire connu convoque l’expérience de l’enfant.

Les trois définitions successivement adoptées pour le mot « Douceur » témoignent de cette évolution :

alphabet
1887 : « Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre »
1914 : « Soyez doux comme Jésus, et vous serez aimés de Jésus »
1936 : « Le petit Jésus ne s’est jamais fâché d’être dans la crèche froide et dure. Il a souri doucement. Personne n’est aussi doux que le petit Jésus. »

 

alphabet
 

Les références à Dieu sont évoquées à l’aune du modèle familial
• Amour : « J’aime papa, j’aime maman de tout mon cœur et, pourtant, j’aime encore plus le petit Jésus »
• Maman : « J’ai une maman chérie sur la terre, mais, au ciel, la maman du petit Jésus est aussi la mienne. »
• Obéissance : « J’obéis à papa, à maman ; mais jamais je n’obéirai si vite et si bien que l’Enfant Jésus. »
Le recours à l’exclamation, aux superlatifs et aux adverbes d’intensité cherche à exalter l’imagination de l’enfant, à l’emmener vers un au-delà merveilleux, éblouissant.

  • Lettre L
    Un monde où l’on ne risque pas d’avoir peur du noir…
  • Lettre H
    Un monde où les belles histoires existent pour de vrai…
 

 

Le récit de l’enfance du Christ

Ce récit obéit aux mêmes principes. Le texte est récrit, mais le découpage en tableaux est conservé à l’exception de l’épisode du « Repos en Egypte », remplacé par un évènement beaucoup plus dramatique : le « Massacre des innocents ». La syntaxe élémentaire du récit, la modalité appréciative empruntée au vocabulaire de l’enfant s’inscrivent dans une recherche de mimétisme discursif, comme pour mieux s’assurer de la sympathie des plus jeunes, de leur compréhension et de leur adhésion.

Massacre des Innocents

Pendant qu’ils s’en allaient, le plus vite possible, ce vilain Hérode a fait mourir tous les petits enfants qui avaient l’âge du Petit Jésus.
Il croyait bien aussi Le faire mourir avec les autres, mais il n’a pas réussi, parce que le Bon Dieu est le Maître de tout, et qu’il a protégé la fuite de la Sainte Famille

Le Massacre des Innocents

 

Un nouveau jeu d’images

Le graphisme lui aussi est simplifié. Même si les tableaux témoignent d’un certain souci du détail décoratif, paysages, attitudes et expressions sont épurés. La ligne domine. Quelques aplats de couleurs (brun et orangé) soulignent le relief et augmentent la lisibilité de l’image… On peut néanmoins regretter que l’éditeur n’ait pas conservé l’éclat des originaux, jouant d’un contraste orangé/bleu de prusse.

La maison Mame adopte là une esthétique prônée par les mouvements de l’Art à l’école et de l’Art pour l’enfant, qui tous deux s’appuient sur la réflexion engagée par le ministère de l’Instruction publique pour rénover l’imagerie scolaire. L’idée alors prévaut qu’il faut recourir au dessin linéaire, ne retenir que l’essentiel (plans, objets, personnages) et privilégier une coloration élémentaire. Le style d’André Boursier-Mougenot répondait parfaitement à ces attentes.

Retour à Nazareth

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